28/10/2024

Celui que l'on ne voulait pas


                      1er Prix Poésie Classique 2024 
                  Arts et Lettres de France - Bordeaux



Celui que l’on ne voulait pas



Si loin de son troupeau, dans la nuit angoissante,

Sans lui laisser le temps de sentir le danger,

Sur elle il a bondi, pauvre proie impuissante

Qui déjà n’entend plus l’appel de son berger.


Monte alors vers le ciel le cri du solitaire,

De la bête affamée appelant tous les siens,

Hurlement qui fait peur du prédateur mystère,

Que s’enferment les gens et se cachent les chiens.


Mais au petit matin, de dessous la rosée   

Furent trouvés, hélas,  les restes d'un repas. 

Mais qui a fait ce mal ? Question fut posée.  

Serait-ce donc ce loup que l'on ne voulait pas ?


Et gronde la révolte, elle est là, populaire.

La guerre est déclarée au tueur sans remords !

Que sortent les fusils et les cris de colère,

Assez de ces horreurs, de ce sang, de ces morts !


On le chercha partout… la traque fut intense…

Le coyote malin, loin de ces tirailleurs,

Etait depuis longtemps en quête de pitance

Dans une autre contrée… un alléchant ailleurs !…


Les fusils sont rangés, la paix est revenue.

Au pré sont les moutons, plus cléments sont les cieux.

Le berger assoupi rêve d’une ingénue…

Derrière les buissons, pétillent deux grands yeux…









27/10/2024

Au village de Roche


                                                             Au village de Roche


J’ai retrouvé le val du dormeur de Rimbaud,

En témoigne toujours l’herbe tendre couchée

Près de ce vieux lavoir où l’âme effarouchée

Du poète maudit lui creusa le tombeau.   


La rivière n’est plus qu’une petite mare.

Ont fané les glaïeuls depuis bien trop longtemps.

Mais dans les gris reflets de l'eau sale et du temps,

J’ai vu le 'bateau ivre'* arracher son amarre.


Parti dans son ailleurs, plus loin que l’horizon,

S’est laissé déposé, par son délire en prose,

Au lit d’un galetas, tant la douleur s’impose

A vivre en son enfer, le temps d’une saison.


Devant la maison vide où le passé s’accroche,

Le vieux banc se souvient du soir d'une oraison.

En la plaine ardennaise, un jour de fenaison,

J'ai vu Rimbaud flânant au village de Roche.



* titre original de l'oeuvre de Rimbaud ( hiatus volontaire )










18/10/2024

Poète si tu peux...

 ( Classique Régulier )

Sur un 1er vers de Charles Baudelaire ( l'albatros )...




Poète si tu peux…



Le Poète est semblable au prince des nuées

Lorsqu'aux nuages noirs, il y puise ses mots

Et qu’à l’encre des cieux, ses rimes diluées,

Désormais se sont plus que des larmes de maux. 


Il est vrai qu’on ne parle aujourd’hui que de guerre,

Que les tendres écrits paraissent déplacés,

Ne trouvant plus recette auprès d’une vulgaire

Société perdue aux rêves effacés.


Il est pourtant si bon de penser que naguère

Le langage d’amour rayonnait de beauté !

Que l’homme n’avait pas cet instinct si grégaire

Qui le guide à présent vers tant de cruauté !


Poète si tu peux, va t’en dire à ta muse

D’aller cueillir la rose au bord de ton chemin,

Puis à celle ou celui qui, de tes vers, s’amuse, 

D'offrir la belle fleur et de tendre la main.












14/10/2024

Rien que d'y penser !



Rien que d'y penser !



Ma poésie est jaune et le sera toujours.

Mais voila qu’aujourd’hui très rouge est ma colère

Car marron je me sens en ces temps de galère

Que je vis malgré moi, dans le noir de mes jours.


Un avenir tout bleu, c’était une promesse,

Comme une vie en rose, un bonheur pour chacun.

Mais gris est le brouillard qu’un ignoble faquin

Etend sur sur mes vieux os, tout en disant sa messe.


Je deviens vert de peur quand j’entends son sermon.

Mon visage est si blanc que l’on me croit malade

Moi le pauvre poète, aimant la rigolade

Mais qui craint pour son or que convoite un démon. 


Et si ce diable espère, en plus, taxer ma muse,

Mes vers le perceront jusqu’au profond du coeur,

Abreuvant de son sang mes rimes, ma rancoeur…

Mais rien que d’y penser… déjà je m’en amuse !